L’uranium (suite)

Source : edf.fr

Extraction de l’uranium

Nous nous étions arrêtés la dernière fois sur deux exemples spécifiques de gisements d’uranium. Continuons à présent avec les différentes méthodes d’extraction possibles.

Il existe plusieurs moyens d’extraire du minerai d’uranium d’un gisement. Le plus souvent, le minerai est exploité au sein d’une mine, qui peut être soit à ciel ouvert, soit souterraine. Les mines peuvent avoir des spécificités uniques du fait des particularités du gisement exploité. Reprenons nos deux exemples de gisement de la dernière fois : Olympic Dam et Athabasca. Comme nous l’avions vu, le gisement d’Olympic Dam est dit polymétallique : plusieurs métaux sont exploités au même endroit. En effet, les fluides hydrothermaux ayant circulé dans les roches magmatiques ont concentré plusieurs éléments métalliques qui ont précipité lors du refroidissement des fluides. La teneur en uranium du gisement étant très faible (0,04 %), peut-être que ce gisement n’aurait pas été rentable à exploiter s’il n’avait contenu que de l’uranium. Pour ce qui est d’Athabasca, l’extraction du minerai exceptionnellement concentré a été automatisée pour ne pas exposer les mineurs à des radiations trop importantes. Ça, je vous l’ai déjà dit. L’autre particularité de cette mine souterraine est que le sol situé autour des galeries a dû être gelé. Oui oui, gelé. Ce sol étant saturé en fluides, il a fallu trouver une solution pour éviter que les galeries ne soient inondées en permanence. Le sol gelé empêche ainsi les fluides d’envahir les tunnels de la mine. Les Canadiens ne font pas dans la demi-mesure. Enfin, une autre méthode d’extraction de l’uranium ne nécessite pas l’établissement d’une mine. Rappelez-vous la particularité de l’uranium : sa forme oxydée est très soluble, sa forme réduite très insoluble. La méthode de lixiviation in situ utilise cette propriété. Un fluide sous pression est injecté dans le sous-sol au niveau du gisement d’uranium. Le minerai va alors être dissous dans ce fluide. Une installation de surface permet ensuite de pomper ce fluide, qui contient le minerai d’uranium. Le traitement du fluide permet ensuite de faire précipiter le minerai.

Comme pour toute ressource minérale utilisée dans notre société actuelle, l’extraction d’uranium n’est pas anodine. Si des mesures de sécurité et de préservation de l’environnement ne sont pas respectées, cela peut avoir des conséquences graves. Le premier danger est le radon. C’est un gaz radioactif qui fait partie de la chaîne de désintégration de l’uranium. Lors de l’extraction d’uranium, du radon va naturellement se retrouver dans les galeries des mines souterraines. Il est primordial que les mines d’uranium souterraines soient dotées d’excellents systèmes d’aération afin de ne pas exposer les mineurs à des quantités dangereuses de ce gaz. Le volet environnemental n’est pas à négliger non plus. En effet, le stérile (la partie du matériel extrait de la mine qui n’est pas exploité) contient toujours de faibles quantités de minerai d’uranium (trop peu cependant pour que son exploitation soit économiquement intéressante). S’il n’est pas convenablement stocké (par exemple s’il est trop exposé au vent), ce stérile peut être un danger pour les populations locales. Un autre problème engendré par les mines d’uranium concerne les eaux d’exhaure, c’est-à-dire les eaux souterraines qui sont pompées pour éviter l’inondation des galeries (lorsque le sol n’est pas gelé comme au Canada). Ces eaux peuvent contenir une quantité non négligeable d’uranium et doivent donc être traitées avant d’être relâchées dans des nappes phréatiques ou des sources d’eau.

Traitement du minerai et enrichissement

Source : wikimedia.org

Une fois extrait du sous-sol, le minerai subi des traitements chimiques visant à concentrer l’uranium. Le résultat est une sorte de pâte jaune, appelée yellowcake (à cause de sa couleur), qui contient environ 75 % d’uranium. Cependant, au sein de cet uranium, nous n’avons toujours que 0,72 % d’isotope 235. C’est là qu’intervient une étape cruciale, qui constitue le principal défi pour le développement de technologies nucléaires : l’enrichissement. Le but de l’enrichissement est de concentrer le 235U afin que sa proportion augmente suffisamment pour pouvoir provoquer une réaction de fission. Pour une utilisation dans le domaine civil, la concentration qui doit être atteinte est de 4 ou 5 % (uranium dit faiblement enrichi). Pour une utilisation dans l’armement nucléaire, la concentration à atteindre est beaucoup, beaucoup plus importante : environ 90 % (uranium dit hautement enrichi). Plusieurs méthodes peuvent être utilisées pour enrichir l’uranium en isotope 235. Toutes nécessitent que l’uranium soit traité à l’état gazeux. Elles utilisent la légère différence de masse entre les isotopes pour les séparer et ainsi concentrer le 235U. L’enrichissement est un procédé lourd qui nécessite de répéter un grand nombre de fois les étapes du processus afin d’obtenir le résultat souhaité. Je ne pourrais guère rentrer plus dans le détail que cela par défaut de connaissances (il est d’ailleurs probable qu’un physicien qui tomberait sur cet article s’étouffe à sa lecture). Celle qui a pendant longtemps été la plus utilisée est la méthode de diffusion gazeuse : Un gaz à haute pression est diffusé dans un milieu entouré d’une membrane poreuse. Le gaz éjecté du milieu en passant par les pores sera enrichi en 235U. Cette méthode est cependant très gourmande en énergie et elle tend aujourd’hui à être remplacée par une autre : l’ultracentrifugation. On injecte l’uranium dans une centrifugeuse qui tourne à très grande vitesse. Les isotopes lourds (238U) sont préférentiellement éjectés contre les parois de la centrifugeuse tandis que les isotopes légers (235U) vont préférentiellement rester au centre.

Schéma explicatif des procédés d’enrichissement de diffusion gazeuse et d’ultracentrifugation
Source : cea.fr

Une fois que l’uranium est suffisamment enrichi, il va être cuit et « moulé » en petites pastilles noires, qui seront elles-mêmes placées dans des tubes métalliques appelés crayons. Ce sont ces crayons qui sont ensuite placés dans les réacteurs des centrales nucléaires pour servir de combustible.

Fonctionnement d’une centrale nucléaire : principe de base

Malgré mes capacités réduites dans les domaines touchant à la physique, il est important afin de comprendre le fonctionnement d’une centrale nucléaire de revenir rapidement sur ce qu’est une réaction de fission nucléaire (je suis d’humeur généreuse, voici donc deux liens pour le prix d’un : Wikipedia et le site d’EDF). Une réaction de fission nucléaire consiste à scinder le noyau d’un atome lourd en deux noyaux plus légers en le bombardant avec des neutrons. Cette fission provoque la libération d’autres neutrons et d’une énorme quantité d’énergie. Les neutrons libérés peuvent ainsi provoquer une réaction en chaîne en allant bombarder d’autres noyaux lourds. Ces réactions en chaîne sont utilisées et contrôlées dans les centrales nucléaires afin de produire de l’électricité. Elles sont également à la base du fonctionnement des bombes nucléaires, au sein de laquelle une réaction en chaîne non contrôlée d’une quantité importante de matière fissile est provoquée afin de générer une explosion d’une puissance phénoménale. Il convient de préciser qu’une explosion nucléaire n’est pas possible dans le réacteur d’une centrale nucléaire du fait du contrôle de la réaction et de l’enrichissement beaucoup plus faible de l’uranium utilisé.

Principe de fonctionnement d’une centrale nucléaire à réacteur à eau pressurisée (modèle utilisé en France)
Source : wikimedia.org

Maintenant que nous comprenons le principe (très) général de la fission nucléaire, voyons comment il est utilisé au sein d’une centrale. Reprenons nos crayons remplis de pastilles d’uranium là où nous les avons laissés, c’est-à-dire dans le réacteur d’une centrale nucléaire. La réaction de fission nucléaire libère des quantités phénoménales d’énergie qui vont permettre de chauffer l’eau du circuit primaire. Cette eau est maintenue sous pression pour être conservée à l’état liquide. L’eau chaude du circuit primaire va alors permettre de chauffer l’eau du circuit secondaire, qui va être transformée en vapeur. Cette vapeur va permettre d’actionner des turbines couplées à des alternateurs qui vont générer un courant électrique. La vapeur d’eau du circuit secondaire va être refroidie grâce à l’eau d’un troisième circuit. L’eau du circuit secondaire va ainsi repasser à l’état liquide et va pouvoir être réutilisée à l’infini. L’eau du troisième circuit va ensuite soit être elle-même refroidie dans de grandes tours (les immenses tours desquelles sortent de grands nuages blancs, retournez voir l’illustration tout en haut de cet article), soit être rejetée dans la mer ou un fleuve pour qu’une eau plus froide soit prélevée à sa place. Bien évidemment, les trois circuits d’eau sont complètement indépendants et étanches les uns par rapport aux autres.

Pour vous rendre compte de la quantité phénoménale d’énergie qui est fournie par une réaction de fission nucléaire, dites-vous qu’une pastille d’uranium (soit quelques grammes) permet de produire autant d’énergie que plusieurs tonnes de charbon.

Un problème majeur est cependant lié à la production d’électricité via la fission nucléaire. En effet, la fission de l’uranium est à l’origine de la formation de « déchets nucléaires ». Ce sont des éléments radioactifs produits lors de la fission et qui ne sont pas utilisables pour eux-mêmes générer une réaction de fission. Une petite partie de ces déchets a une durée de vie particulièrement longues et restent radioactifs sur des périodes allant jusqu’à plusieurs milliers d’années. Une des grandes questions qui anime le débat public autour du nucléaire est de savoir quoi faire de ces déchets. Nous pourrons l’évoquer dans un prochain article, les solutions envisagées font également intervenir la géologie.

C’en est à présent terminé pour cette suite de deux articles sur l’uranium. J’espère avoir été clair et juste dans mes explications, notamment pour ce qui est de la fission nucléaire et du fonctionnement d’une centrale. N’hésitez pas à rechercher plus d’infos par vous-mêmes auprès de personnes plus compétentes dans le domaine, que je trouve passionnant et dont je n’ai fait ici qu’effleurer la surface (je n’ai par exemple pas du tout parlé de la fusion nucléaire, qui libère encore plus d’énergie que la fission). A bientôt pour un prochain article !