Sortie au glacier du Grand Méan
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Introduction
Ayant profité de mon arrivée en Savoie pour commencer à explorer les montagnes, j’enchaîne avec un nouvel article consacré à une sortie à la découverte d’un glacier. Après le glacier d’Argentière, voici le glacier beaucoup plus modeste (mais tout aussi joli) du Grand Méan ! Cette fois-ci, nous partons dans le parc national de la Vanoise, plus précisément au fond de la vallée de la Maurienne. Vous allez voir que cet endroit magnifique est parfait pour observer des morphologies glaciaires impressionnantes. C’est parti !
Infos pratiques
Comme pour la sortie au glacier d’Argentière, les précautions d’usage sont à respecter pour une randonnée en montagne. Je vous conseille d’apporter des jumelles pour faciliter certaines observations. Le dénivelé positif est important (environ 1000 m) et il vous faudra compter plus de 7h pour faire l’aller-retour. Si vous voulez le faire sur la journée, prévoyez d’arriver assez tôt au point de départ. Sinon, un refuge se trouve à peu près à mi-chemin (refuge des Evettes), dont une partie est accessible même en dehors de la période estivale. Il n’y a pas de difficulté particulière à l’exception de quelques passages câblés lors de la montée, assez escarpés mais pas dangereux. Il est toutefois possible d’emprunter un chemin sans ces passages mais vous perdrez une partie du charme de la randonnée.
Le départ se fait au parking du hameau de l’Ecot, accessible depuis le village de Bonneval-sur-Arc depuis une petite route goudronnée mais un peu cabossée. Deux chemins sont ensuite possibles : le GR, qui part au sud-ouest et monte directement vers le plan des Evettes ou le chemin plus ou moins parallèle à la rivière de l’Arc qui suit le fond de vallée. Je vous conseille le second à l’aller et le GR pour le retour, c’est cet itinéraire que je vais vous présenter ici.
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Etape 1 : le fond de vallée et la montée au plan des Evettes
La première partie de la randonnée suit de loin de cours de la rivière Arc, dont la jolie morphologie en tresses est parfaitement visible. Les chenaux circulent entre des bancs de sables – graviers – galets qui se déposent lors des périodes de fortes eaux. Le chemin se perd peu à peu dans les rochers (le balisage jaune permet de continuer à le suivre). En surplomb sur votre gauche, vous pourrez observer les jolies moraines latérales et les polis glaciaires du glacier du Mulinet et du Grand Méan. Ce dernier diffluait (c’est-à-dire se séparait en plusieurs langues glaciaires lors du contournement d’un obstacle) autour du Mont Séti (la grande pointe de forme pyramidale au sud-est). Vous pouvez donc déjà voir les dépôts associés au glacier du Grand Méan qui diffluaient par le nord du Mont Séti.
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L’ascension vers le plan des Evettes va ensuite réellement commencer, avec une pente qui devient plus importante. C’est dans cette zone que quelques passages sont câblés pour faciliter la montée. Attention si vous effectuez la randonnée au printemps ou en automne, certains passages peuvent être encore (ou déjà) en partie gelés. Cela m’a valu une petite glissade (sans dommage si ce n’est pour mon égo). Vous voilà ensuite arrivé au plan des Evettes !
Etape 2 : le plan des Evettes
Profitez du plan des Evettes, vous allez pouvoir marcher sur du plat (par pour longtemps, rassurez-vous). En quelques minutes, vous arriverez jusqu’à un magnifique pont en pierre surplombant une cascade que vous aurez certainement déjà aperçue au cours de la montée. Les roches que vous verrez autour de vous ont une morphologie très particulière, arrondies, lissées par le passage des glaciers. Vous pourrez y observer des stries glaciaires (voir mon article sur la géomorphologie glaciaire) même si elles sont la plupart du temps assez difficiles à voir.
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Après avoir passé le pont, vous allez pouvoir recommencer à monter en direction du Grand Méan. Lorsque vous aurez pris un peu de hauteur, profitez de la vue sur le plan des Evettes : c’est un exemple parfait de paysage glaciaire. Au centre se trouve le petit lac des Evettes : ce lac devait dans le passé être beaucoup plus étendu et occuper toute la zone très plate parcourue par plusieurs cours d’eaux (je trouve que ce paysage fait beaucoup penser à des steppes de Mongolie, pas vous ?). Vous pouvez également observer des moraines latérales avec des crêtes assez bien dessinées ainsi que des dépôts de moraines frontales marquant d’anciennes positions du glacier des Evettes. Ces moraines frontales ne sont pas très hautes ni très bien dessinées mais elles permettent de se rendre compte d’une chose : le glacier agit comme un bulldozer et pousse devant lui tout ce qui se trouve sur son passage lorsqu’il avance. Le matériel ainsi transporté va alors se retrouver abandonné lorsque le glacier va stagner sur une position particulière puis reculer. Enfin, vous pouvez voir tout au fond du plan des Evettes, au-dessus d’une rupture de pente, le glacier des Evettes lui-même, qui n’est plus très en forme et qui aura probablement disparu d’ici quelques années, comme tous les autres glaciers dont je parle dans cet article.
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En bas : des polis glaciaires avec de jolies roches moutonnées (en bas à gauche), des blocs erratiques déposés par les glaciers et une moraine frontale du glacier des Evettes (au centre)
Etape 3 : la montée au glacier du Grand Méan
C’est reparti pour faire chauffer les mollets ! La montée s’effectue dans les rochers polis par les glaciers et entre les blocs erratiques, c’est-à-dire des rochers transportés par le glacier puis laissés sur place lors de son retrait. Au passage, observez la nature de la roche : il s’agit d’un joli gneiss œillé, une roche métamorphique. Le métamorphisme correspond aux phénomènes de transformation à l’état solide (le point de fusion n’est pas atteint) d’une roche sous l’effet de la pression et de la température en profondeur. Les structures œillées correspondent à des gros cristaux (dans notre cas plutôt des feldspaths) plus ou moins allongés et entourés d’une multitude de petits cristaux alignés et contournant ce gros cristal. Vous pourrez également voir sur ces roches que les gros cristaux œillés sont souvent en saillie par rapport au reste de la roche. Cela est dû à un processus d’érosion différentielle. Une fois exposée à l’air libre, la roche va subir plus ou moins d’altération suivant la résistance des minéraux. Les cristaux œillés semblent ainsi mieux résister à l’érosion.
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Source : sketchfab.com
Reprenons à présent notre expédition en paysage glaciaire. La montée jusqu’au glacier culmine sur une moraine latérale. Vous verrez facilement la composition d’une moraine : un ensemble de matériel de toutes tailles : du sable (et plus fin encore) aux blocs métriques ou pluri-métriques. La crête de la moraine est bien dessinée et permet de visualiser une ancienne extension du glacier, latéralement et en hauteur. Cette moraine correspond à la diffluence du glacier au sud du Mont Séti. Le glacier arrivait probablement jusqu’ici encore au XIXème siècle, à la fin du Petit Age Glaciaire.
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En bas : vue du versant interne de la moraine latérale du glacier du Grand Méan au pied du Mont Séti
Etape 4 : le lac et le glacier
Il ne vous reste plus qu’une chose à faire : allez au bord du lac, asseyez-vous, sortez votre casse-croûte et admirez ! Vous avez devant vous un magnifique petit glacier avec son lac proglaciaire. Un lac proglaciaire se forme en avant d’un glacier lors du retrait de celui-ci par accumulation des eaux de fonte. Pour cela, l’eau doit être retenue par un barrage naturel : une moraine par exemple ou encore un autre glacier. Le front du glacier dont dépend le lac se trouve parfois directement dans le lac (pour le Grand Méan, c’est encore le cas pour une petite partie du front au moment où j’écris ces lignes). Dans ce cas, le glacier peut vêler, c’est-à-dire qu’un morceau de glace va se détacher du glacier et former un iceberg, comme pour les calottes glaciaires du Groënland et de l’Antarctique. De nombreux lacs proglaciaires se sont formés de façon plus ou moins éphémère à la fin de la dernière période glaciaire, durant laquelle les glaciers ont connu un recul très important et parfois très rapide (plusieurs dizaines de kilomètres en quelques milliers d’années).
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Si vous vous approchez du front du glacier, vous pourrez observer des choses très intéressantes. Tout d’abord, de l’eau s’écoule depuis la base du glacier. En effet, ce genre de glacier alpin correspond à un glacier tempéré, ce qui signifie que la température de la glace à sa base est proche de 0 °C, permettant à la glace de fondre (à l’inverse d’un glacier froid, dont la température basale est fortement négative). De plus, autour du front et sous le glacier, vous pourrez observer un amas de sédiments mal triés (donc avec des éléments de tailles très variées). Si cela vous fait penser à la composition des moraines de tout à l’heure c’est normal : ces dépôts sédimentaires sont parfois appelés « moraine de fond », ils correspondent au matériel trainé sous le glacier au contact avec le substratum. Vous verrez également (surtout si vous marchez dessus) qu’ici, ces sédiments sont gorgés d’eau.
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Enfin, terminons notre observation du glacier du Grand Méan par une bien triste constatation : il n’existe probablement plus pour très longtemps. En effet, sous l’effet du changement climatique anthropique, les glaciers alpins sont en recul très rapides. Les petits glaciers comme celui-ci, dont l’altitude maximum ne dépasse guère les 3000 m, sont particulièrement touchés. L’accumulation de neige hivernale ne compense plus la fonte estivale et le glacier pourrait disparaitre en quelques années. Si vous voulez vous rendre compte de l’ampleur du phénomène, allez sur le site de l’IGN « Remonter le temps » et comparez par exemple les images aériennes actuelles avec celles des années 50. Le lac n’existait pas encore à cette époque, au contraire de la diffluence autour du Mont Sion, qui existait encore ! Le front du glacier des Evettes, lui, était situé à plus d’un kilomètre en aval du front actuel !
Etape 5 : le retour
Pour le retour, vous devrez retourner jusqu’au pont en pierres puis soit redescendre par le même chemin qu’à l’aller, soit rejoindre le GR en passant non loin du refuge des Evettes pour finalement redescendre à l’Ecot.
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Nous allons nous arrêter ici pour cet article, qui est déjà plus long que ceux que j’écris d’habitude. Je pense que cela en valait la peine, cet endroit constitue une magnifique étude de cas pour observer des paysages glaciaires alpins. A bientôt pour de nouvelles découvertes !