Sortie au glacier d’Argentière

Introduction

Continuons notre série sur les glaciers avec un article consacré à une sortie randonnée ! Je vous propose aujourd’hui de découvrir le glacier d’Argentière, dans le massif du Mont-Blanc. C’est un des plus grands glaciers de vallée de France. Il est situé sur le versant nord-ouest du massif du Mont-Blanc, tout comme la Mer de Glace ou le glacier des Bossons, qui sont d’autres glaciers très connus de ce massif. Dans cet article, je vais diviser le parcours de randonnée en plusieurs étapes au cours desquelles il sera possible d’observer quelques éléments typiques de paysages façonnés par les glaciers. Cela fera un complément parfait à mon article d’introduction à la géomorphologie glaciaire. Sortez vos chaussures de marche et suivez-moi !

Infos pratiques

Tout d’abord, quelques infos pratiques afin de bien se préparer. Cette randonnée ne présente pas de difficulté majeure mais elle est tout de même assez physique. Je vous déconseille de la tenter en promenade digestive après le repas du dimanche ! Pensez à emporter un sac à dos avec l’équipement de base : de l’eau, un casse-croûte, crème solaire et chapeau s’il fait beau, de quoi se protéger du froid et de la pluie.

Le départ de la randonnée se fait au village d’Argentière, en amont de Chamonix. Un grand parking se trouve à côté du départ de la ligne de téléphérique. Il faudra ensuite suivre les chemins indiquant la direction du refuge de Lognan. Je vous conseille de partir assez tôt le matin pour pouvoir profiter un moment de la vue sur le glacier une fois en haut.

Etape 1 : montée au refuge de Lognan

Vous êtes prêts ? Les mollets vont chauffer ! La première partie de la montée se fait sur un large chemin suivant une piste de ski. Le dénivelé est important, c’est la partie la plus physique de la randonnée. Au fur et à mesure de la montée, observez la belle vallée glaciaire de Chamonix en contrebas et les reliefs des Aiguilles Rouges de l’autre côté. Au bout d’un moment, vous pourrez sortir à gauche de la piste pour rejoindre un sentier forestier qui monte en lacets. Vous finirez par arriver juste sous le refuge de Lognan (une jolie bâtisse avec un drapeau pirate). Passez sur la terrasse de l’autre côté du refuge et commandez un café ou une boisson sucrée si le cœur vous en dit, nous allons pouvoir faire quelques premières observations.

Le joli refuge de Lognan est en vue !

Déjà, de cette terrasse, vous verrez en levant un peu la tête le front du glacier. C’est beau hein ? A présent regardez les versants abrupts situés sous le glacier actuel. Vous verrez que la roche présente des stries subhorizontales. Ces stries glaciaires ont été laissées par le passage du glacier lorsqu’il était plus avancé. Le glacier transporte avec lui des débris rocheux et lorsque ceux-ci frottent contre le socle situé sur les côtés et sous le glacier, des stries se forment. A certains endroits, vous pourrez également apercevoir contre la roche des blocs de tailles variées emballés dans une matrice plus fine. Ce sont des dépôts de moraine latérale, c’est-à-dire des éléments transportés par le glacier puis accumulés lors d’une phase d’avancée ou de stagnation.

La paroi rocheuse striée par le passage du glacier et au centre, un résidu de moraine latérale (je ne sais pas trop comment ça tiens encore)

Etape 2 : montée jusqu’au glacier

En montant au-dessus du refuge du Lognan, vous allez pouvoir rejoindre une large piste qui monte en formant de grands lacets. De là, vous pourrez voir au-dessus de vous une impressionnante moraine, celle du glacier de cirque de Lognan. En montant vers le glacier d’Argentière, vous aurez plusieurs possibilités d’accéder à des points de vue sur le glacier. Vous finirez par arriver dans une zone où la piste monte en ligne droite et où la vue sur le glacier est bouchée par un énorme monticule de blocs : une autre moraine évidemment. Grimpez jusque sur la crête de cette moraine et vous vous trouverez alors juste au-dessus du front du glacier d’Argentière. Vous n’avez plus qu’à profiter de la vue.

Cet énorme tas de cailloux correspond à la moraine du glacier de Lognan

Etape 3 : observation du glacier et du paysage

Observons tout d’abord le glacier en lui-même. La chose la plus évidente à voir est que la surface d’un glacier n’est pas lisse. De nombreuses fractures et crevasses sont visibles, notamment au front du glacier, qui se déforme en s’écoulant. On voit également que sa surface n’est pas immaculée : des débris de roches tombent sur le glacier et sont ensuite transportés. Lors des phases d’avancée ou de stagnation, ces débris vont être transportés à l’avant et sur les côtés du glacier et former des moraines. D’ailleurs, en face de vous, en rive droite du glacier d’Argentière, vous pourrez voir d’autres moraines de cirque. Toutes les moraines que vous avez observées jusqu’à maintenant sont les témoins des avancées glaciaires récentes, survenues durant les temps historiques. En effet, même si nous sommes en ce moment dans une période interglaciaire (l’Holocène), le climat connaît de légères variations. Durant les quatre ou cinq derniers milliers d’années, le climat est redevenu légèrement plus frais et plus humide qu’au milieu de l’Holocène. Certaines périodes en particulier ont été particulièrement favorables aux avancées des glaciers dans les Alpes. La plus connue est la période nommée « Petit Age Glaciaire », qui a commencé vers la fin du Moyen-Age est s’est terminée à la fin du XIXème siècle. Ce léger refroidissement a pu être provoqué par plusieurs causes dont probablement une baisse de l’activité solaire et d’importantes éruptions volcaniques explosives (Tambora et Krakatoa rien que pour le XIXème siècle par exemple). La moraine sur laquelle vous êtes assis vous permet de voir jusqu’à quelle hauteur était monté le glacier d’Argentière lors de ces périodes d’avancées (et il faut se dire que ce n’est rien en comparaison de l’étendue des glaciers durant la dernière période glaciaire mais c’est un autre sujet).

La vue sur le glacier d’Argentière depuis la moraine latérale

Enfin, finissons par un mot à propos de l’impact du changement climatique anthropique sur les glaciers alpins. Les glaciers reculent très massivement et très rapidement, notamment depuis la fin du XXème siècle pour les Alpes. Pour vous faire une idée, il existe de nombreuses photos permettant de comparer les étendues actuelles des glaciers avec celles du XIXème et du XXème siècle. D’ici la fin de ce siècle, la plupart des glaciers du massif du Mont-Blanc, le massif le plus englacé de France, auront disparus. D’ici une dizaine d’années, les quelques glaciers restants dans les Pyrénées auront eux complètement disparu. Cela va avoir un très fort impact sur les environnements de montagne : appauvrissement des réserves en eau, déstabilisation des parois rocheuses sou l’effet du dégel …

Etape 4 : retour dans la vallée

Pour redescendre jusque dans la vallée, vous pouvez prendre le même chemin qu’à l’aller (c’est ce que j’ai fait et je vous préviens, vos genoux vont souffrir un peu sur les pistes de ski très pentues) ou continuer le long de la piste au lieu de redescendre par le refuge pour ensuite rejoindre de petits chemins forestiers (qui sont indiqués sur la carte IGN et dans de nombreux itinéraires de randonnée sur internet).

J’espère que cet article vous aura donné envie de découvrir les glaciers et les paysages qu’ils façonnent ! Personnellement, c’est un sujet qui me passionne tous les jours un peu plus depuis que j’ai commencé à étudier dans ce domaine. Comprendre les glaciers, leur fonctionnement, leur évolution au cours des temps géologiques, permettra de mieux anticiper le futur et les changements majeurs qui vont survenir dans les environnements glaciaires. A bientôt pour un nouvel article de découverte !